Histoire de Grenade by Martinez-Gros Gabriel & Makariou Sophie

Auteur:Martinez-Gros, Gabriel & Makariou, Sophie [Martinez-Gros, Gabriel & Makariou, Sophie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2018-04-24T22:00:00+00:00

Fig. 21 : Alonso Cano, La présentation de la Vierge au temple, 1664, choeur de la cathédrale.

Fig. 22 : Alonso Cano, Vierge de Bélen, achevée après 1656, grand lutrin du chœur, cathédrale.

chacune un porche surmonté d’un bandeau droit et d’une ouverture circulaire ; un deuxième niveau, marqué par un bandeau droit, serait percé de fenêtres – en triplet, en écho au chevet, mais réduit à un simple oculus dans la travée centrale. Le tout serait surmonté de frontons triangulaires, celui de la travée centrale nettement plus élevé. La composition de l’ensemble était une citation des façades harmoniques des cathédrales gothiques.

La façade actuelle montre combien Cano fit évoluer le projet de Siloé tout en en respectant des éléments (fig. 20) : suivant dans sa conception le dessin de Siloé, mis en œuvre en 1577, Cano reprenait les quatre bases de pilastres qui existaient déjà. La profondeur des défoncements de la façade, produisant une intense zone d’ombre, ne relève en rien d’un « effet baroque », mais de la fidélité de Cano à l’existant. En revanche, Cano renonça à la forte horizontale qui rompait la composition de Siloé en deux registres, et la remplaça par une corniche peu marquée qui ceint également les pilastres et par une prolongation de ceux-ci sur toute la hauteur de la façade. Il conçut un couronnement s’achevant par des arcs cintrés, sans frontons triangulaires. Ce sommet en arc de triomphe, plein de réminiscences renaissantes – notamment du temple des Malatesta à Rimini, construit par Leon Battista Alberti –, concourt à la lisibilité des volumes intérieurs72. En effet, la composition tripartite de la façade culmine ainsi à la même hauteur que les voûtes. Projection de la composition des vertigineux volumes intérieurs de la cathédrale de Siloé, la façade de Cano rendait par là même un hommage élégant à son grand devancier par le biais d’une invention architecturale résolument moderne. On pourrait parler à son propos d’une « façade écran » plus que d’une « façade retable »73. Elle justifie les éloges d’un historien de l’architecture espagnole des temps modernes qui parlait à son propos d’une des créations « les plus personnelles et les plus géniales de toute l’architecture hispanique74 ».

Aussi, c’est bien à Melchor de Aguirre, qui succéda à Granados, qu’il convient d’imputer les maladresses qui nuisent au projet de Cano : l’oculus en forme d’étoile de la travée centrale ; le couronnement de la façade par une corniche droite au-dessus des tympans cintrés et, alourdissant encore l’ensemble, le couronnement d’acrotères et de pinacles. Enfin, le décor initialement prévu ne fut produit que fort tard, après même la mort d’Aguirre en 1695. Les « caprices » ou « feuilles canesques », suivant les termes du chapitre de la cathédrale, ne furent exécutés qu’en 1771 et ne transcrivent pas la grâce des dessins du maître. L’insertion des guirlandes et des reliefs sculptés n’appartient pas non plus au projet d’origine. Ce sont tous ces éléments qui entravent et perturbent l’intrépide élan vertical de la façade, prononçant un désaccord criant entre structure et décor, fort loin de la rationalité de Cano.

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